La rencontre Solen / Vaudaine

Les articles Hifi Vaudaine

L'interview de Frédéric Gautier par Benoît

Découvrir la gamme Solen

Dans les années 70, c'est la radio à ondes courtes qui joue le rôle de notre Internet actuel : un petit
récepteur, de quoi diffuser le son, et voilà notre oreille devenue une vagabonde prête à écouter les
rumeurs du monde entier... Jeune adolescent, Frédéric Gautier se passionne pour cette technologie qui
fait d'une antenne - finissant par déployer ses vingt mètres de long dans le jardin familial – tant
une porte ouverte sur l’inconnu qu’un nouveau comptoir pour la pensée libre. Plus pragmatiquement,
c’est aussi un accès gratuit à une musique qui coûte encore relativement cher à une époque où le vinyle
33t est aussi dominant qu’il est, dans les faits, onéreux.

Parallèlement, une autre technologie consume son déclin : les télés à lampes ! Leurs grosses carcasses cubiques s'amoncellent dans les décharges publiques et le jeune bricoleur y déniche facilement des tubes qui lui serviront de base pour la fabrication de ses premiers récepteurs radio à casque ; c’est porté par ces ondes libres que les Doors, Hendrix, Kraftwerk ou encore Pink Floyd viendront se nicher au creux de ses écouteurs.

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Frédéric Gautier

Oser la différence

En grandissant, il vit aux premières loges l'invasion du marché de la hifi par les appareils japonais, conséquence de la politique de libéralisation du marché nippon imitant l’américain. Cette hifi populaire, au-delà de sa moindre qualité musicale qui découle d’une logique d’attractivité du prix, se caractérise par une apparence standardisée, fade, technique ; en somme, une certaine indifférence portée à l’esthétique. Ce manque de fantaisie le marque et il sait dès lors que lui ferait autrement.

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Frédéric Gautier

Le bac en poche, il intègre l'INSA et retrouve la musique dans son rôle unificateur : les étudiants se retrouvent autour de la musique sous toutes ses formes, y compris ce qui permet de la diffuser. C’est au sein du club radio qu’il organise avec d’autres élèves une distribution de kits d’enceintes et d’amplis.
Face à l'engouement de ses camarades, mais surtout à l'ambiance de communauté et de création qui gravite autour du matériel audio, il décide de s'y consacrer pleinement. Plein de bonne volonté fougueuse propre à la jeunesse, il se retrousse alors les manches et... se fait interrompre net par le service militaire.

Le dessin comme second talent

Il intègre alors les services de la coopération au Maroc, où ses petits systèmes maison font toujours des heureux, et il décèle un enthousiasme tout particulier pour ceux qui se démarquent esthétiquement ; on est alors en plein dans l'ère des fameuses "boîtes à chaussures", qui réussissent le tour de force d'être encore plus austères que les premiers appareils japonais. Puisant dans l’un de ses talents, le dessin, qui partage avec l'électronique le sens de la simplicité et de l'harmonie, il ébauche de nombreux modèles d'amplificateurs qui se verraient avant de s'entendre.

Après quelques pérégrinations dans l'Ouest africain et au Canada, le succès professionnel qui s’annonce ne parvient pas à le détourner de cette envie de voir naître une hifi aussi soucieuse de ses objets que de son art. Sans trop y croire, il soumet quelques-uns de ses dessins à la Société des Artistes Décorateurs, notamment celui du Tigre, son premier-né à la forme trapézoïdale. Au mépris de sa modestie, cette dernière le sélectionne pour être exposé au Grand Palais, à Paris, pendant deux semaines ; c'est l'occasion pour Frédéric, toujours fringant de sa vingtaine d'années, de côtoyer le gratin du design de l'époque (Jean-Paul Gaultier, Philippe Stark...) et surtout de se rassurer quant à la légitimité à sa vision : dans la foulée naît Solen, en 1988.

Le premier prototype Solen, le Tigre, conjugue l'innovation esthétique à la technique : l'audacieux trapèze est doté d’une partie de amplification en tension à tubes et d’un étage de puissance à transistors. En fait, il porte déjà en lui l’entièreté de l'esprit Solen : faire du neuf en innovant avec ce que l’on a négligé de l’ancien, tout simplement.

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Le Tigre, premier amplificateur Solen en 1988

Une question de courage

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Débute alors un tour de France, Tigre sous le bras, à la fois pour prendre connaissance in situ de la réalité des magasins de hifi et de l'engouement que peut générer son prototype. L'accueil est pour le moins tiède, et si les revendeurs ne sont pas indifférents à l'esthétique indéniablement innovante du Tigre, peu sont assez téméraires pour le commercialiser... Quelques spécialistes audacieux de grandes villes de France (Grenoble, Paris, Marseille et Nice) franchissent tout de même le pas, et Frédéric est désormais convaincu que commercialiser son ampli est simplement une question de courage, pas d'inconscience. Ayant alloué la quasi-totalité de ses fonds à la fabrication d'une première centaine de Tigre, il investit ses derniers deniers dans de la publicité.

Presque un an plus tard, alors que les réserves de l'ingénieur s'amenuisent à vue d'œil, le succès Solen devient une nécessité de plus en plus pressante... Sa participation à des salons de démonstration visant une certaine clientèle, que ce soit au Sofitel à Paris ou au Negresco à Nice, lui offre enfin le tremplin qu’il mérite : des exportateurs sont conquis. Il ne le sait pas encore, mais durant la décennie qui suit, Solen assurera la quasi-totalité de son chiffre d'affaires à l'étranger, en commençant par la Scandinavie, la Suisse et le Japon puis en finissant par les Etats-Unis en passant par l'Italie et l'Allemagne.

Une dizaine d’années effrénées plus tard, Frédéric décide de revenir à ses premières
amours ; l’idée d’une plus grande stabilité, tant financière que personnelle, est à ce moment séduisante. Il met Solen en pause et développe sa carrière d'ingénieur dans les radiofréquences. Pour autant, la passion de l'audio ne l'a pas quitté ; de nouvelles innovations grandissent patiemment dans les recoins de ses pensées...

Les forces du tube

Les ans défilent et Frédéric commence à sérieusement songer à revenir à la fabrication d'amplificateurs hifi. Il a eu tout ce temps pour définitivement se convaincre du potentiel inexploité du tube en audio haute-fidélité : il présente des avantages indéniables comparé au transistor, forces trop souvent occultées par des inconvénients que Frédéric sait contournables. Certes une lampe chauffe et s'use, mais elle est surtout bien plus réactive qu'un transistor et fournit un gain supérieur en tension et en linéarité. En somme, un tube transmet plus vite, plus fort, et tout un monde de finesse se découvre si  l’on sait s'affranchir des difficultés liées au transformateur de sortie.

En 2012, il n'y tient plus, et Solen reprend du service, porté par sa nouvelle égérie : le Circlotron Valve 40 – ou SOLEN CV40 pour les intimes. C'est le début d'un renouveau qui perdure jusqu'à aujourd'hui, jalonné de différentes créations assumant chacune sa part d'innovation, versant dans le traitement qualitatif du signal numérique : le SOLEN MUDAC 300, le SOLEN CT50N, le SOLEN Phonomaster II, puis le SOLEN CV20N.

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Une vie d'inventeur

Une vie à inventer et à chercher ce qui peut être fait autrement, mieux, souvent en comprenant ce qui peut être fait plus simplement, le mène aujourd'hui, en 2022, sur un nouveau terrain: les enceintes.
Arrivant au terme de plus de deux ans de développement, il a réussi à mettre au point une technologie permettant de se débarrasser de l'effet de boîte et de délivrer ainsi les graves les plus réactifs qui soient ; au cordeau ! Quelques minutes d’écoute suffisent à nous laisser rêveur sur l’immensité du potentiel encore inexploité de la hifi qu’un esprit de clarté et d’élégance comme celui de Solen peut encore révéler...

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Solen CV20N

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Mon Solen CV20N est une amplification digne des plus beaux montages EL84, une justesse de transposition de timbres et d’interprétation superlative, une utilisation simplissime, un encombrement restreint, et pour couronner le tout, un DAC de haute-tenue (j’avais de fortes attentes sur ce sujet) ; bref, il s’agit d’un produit très hautement musical sur lequel vous pouvez vous jeter les yeux fermés… et les oreilles grandes ouvertes !
- Franck R. - Paris

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